L'amiante dans l'éducation : une omerta qui n'en finit plus !
Lundi 4 mars a été diffusée sur France 5 une enquête de Vert de Rage intitulée "Amiante : l'école malade". Ce reportage très attendu a mis en en lumière les dysfonctionnements dont l'Éducation nationale et de nombreuses collectivités territoriales sont responsables (à voir ici : https://www.france.tv/france-5/vert-de-rage/saison-4/5727153-amiante-nos-ecoles-malades.html). Près de 30 ans après son interdiction, l'amiante n'en finit plus d'être un scandale sanitaire au sein de l'Éducation nationale. Si dans les écoles et les établissements scolaires, l'amiante tue, l'inaction des pouvoirs publics aussi.
Après Libération il y a 4 ans et Vert de Rage aujourd'hui, les différents travaux journalistiques qui ont été menés ces dernières années sur la question de l'amiante au sein de l'Éducation nationale mettent à jour une réalité à laquelle sont quotidiennement confrontés les syndicats SUD éducation. C'est encore pire dans l'Enseignement Supérieur et la Recherche où nous n'avons aucune donnée et où pourtant les travaux dans de vieux bâtiments se multiplient et où le précédent de la tour de Jussieu est encore dans toutes les têtes.
Au cours de la campagne syndicale menée depuis l'automne dernier, les militant·es de SUD éducation se sont d'abord retrouvé·es confronté·es à une très forte opacité de la part des collectivités territoriales comme des rectorats. Bien souvent, les Dossiers Technique Amiante (DTA) ne sont pas communiqués et lorsqu'ils le sont, ils ne sont souvent pas à jour et présentent de nombreux manquements à la réglementation en vigueur. Pire encore, certains établissent des recommandations urgentes qui ne sont pas suivies d'effets plusieurs années après. Ce n'est pourtant pas faute pour SUD éducation de le rappeler systématiquement et de tirer la sonnette d'alarme.
Préférant rejeter la faute sur les collectivités locales, les ministères, près de 50 ans après le scandale de Jussieu et près de 30 ans après l'interdiction de l'amiante, ne sont toujours pas capables d'établir la moindre cartographie précise de la présence d'amiante dans le parc scolaire et universitaire. Pendant ce temps-là, des centaines de personnels de l'éducation et de l'enseignement supérieur tombent malades dans l'indifférence de leur employeur tandis que d'autres meurent dans le silence coupable des pouvoirs publics. Et que dire des conséquences d'une telle incurie sur nos élèves et étudiant·es ? Peut-on concevoir que l'école, lieu dans lequel l'avenir s'imagine, soit aussi funeste ?
Rappelons que l'amiante est un cancérogène sans seuil, c'est à dire qu'une seule fibre peut suffire à rendre gravement malade celui ou celle qui l'ingère ou l'inhale. Or avec plus de 85% des écoles et établissements scolaires bâtis avant le 1er juillet 1997, date de l'interdiction de l'amiante en France et donc fortement susceptibles de contenir de l'amiante, l'Éducation nationale est particulièrement concernée par ce danger, tout comme le monde universitaire.
Les résultats de l'enquête réalisée par l'agence « Santé publique France » en 2019 fait froid dans le dos. Depuis 1997 environ 400 personnels de l'éducation auraient développé un cancer de la plèvre (mésothéliome pleural) communément appelé cancer de l'amiante. Celle-ci place ces personnels parmi les catégories les plus exposées au risque. L'enquête souligne elle-même les limites de son analyse. Confrontée au manque de données produites par l'Éducation nationale et à la rapidité des décès des personnes dont le diagnostic de mésothéliome pleural a été prononcé, l'enquête de l'agence rattachée au ministère de la santé ne peut donner qu'un aperçu des conséquences de l'amiante dans l'Éducation nationale. En somme, c'est le crime parfait, celui qui ne laisse pas de trace.
Faudra-t-il attendre 30 ans de plus pour que le ministère de l'Éducation nationale, le gouvernement, le ministère de la santé, les collectivités territoriales daignent prendre à bras le corps ce sujet de santé publique primordiale?
Plutôt que d'enterrer les maigres tentatives mises en place ces dernières années comme l'a fait Jean-Michel Blanquer en 2020 en supprimant l'Observatoire National de la Sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignements (O.N.S.), organisme indépendant qui avait entamé un travail de recensement de la présence d'amiante dans le parc scolaire national.
Car au rythme où vont les choses, et avec un délai de latence de certaines maladies, de 20, 30 ou 40 ans, le pire est devant nous. Si le Haut Conseil de la Santé Publique table sur 100 000 morts liées à l'amiante d'ici 2025 qu'en sera-t-il dans une dizaine d'années ? Si les pouvoirs publics estiment le coût du désamiantage trop élevé, qu'ils mesurent donc celui que représente en soins et en vies humaines leur inaction.
Car il s'agit bien de parler ici du désamiantage total. Nous le réaffirmons, face à toutes les tentatives de minimisation ou de déconstruction du risque, tant qu'il y a de l'amiante, il y a du danger, et ce danger n'est pas acceptable. À l'heure où des annonces sont pourtant faites sur la rénovation thermique des bâtiments, que rien ne soit prévu au sujet de l'amiante rend la situation d'autant plus intolérable.
L'enquête de Vert de Rage le montre très bien : non seulement l'Éducation nationale ne parvient pas à respecter la réglementation mais celle-ci est elle-même dépassée. L'utilisation de prélèvements surfaciques, absents de la réglementation française actuelle, montre à quel point les outils de mesure à notre disposition ne sont plus à la hauteur. L'ANSES comme la circulaire Lebranchu plaident depuis plusieurs années pour un abaissement des seuils (0,5 fibre/par litre d'air au lieu de 5 fibres/litre d'air dans la réglementation actuelle) pour correspondre davantage à l'état des connaissances scientifiques.
La campagne de SUD éducation
C'est la raison pour laquelle SUD éducation a lancé depuis l'automne dernier une vaste campagne de lutte contre l'amiante dans les locaux de l'Éducation nationale et l'Enseignement supérieur. Celle-ci se traduit sur le terrain par l'organisation de nombreuses formations syndicales et de réunions d'information et de sensibilisation des personnels, par l'outillage de nos collègues afin qu'ils et elles puissent être vigilant·es et se protéger, par la collecte des DTA auprès de l'Éducation Nationale et des collectivités territoriales ainsi que l'interpellation de l'administration à toutes les échelles.
Ainsi SUD éducation revendique :
- la mise à disposition des documents prévus par la loi aux usagers et usagères, aux personnels et aux organisations syndicales ;
- la mise à jour immédiate des dossiers techniques amiante avec des diagnostics de qualité, et le respect du cadre réglementaire pour tous travaux ;
- le suivi médical pour l'ensemble des élèves, étudiant·es et personnels exposé·es, et l'établissement de fiches d'exposition pour toutes les personnes concernées ;
- la mise sous abri des élèves, étudiant·es, personnels dans des locaux provisoires de qualité, à l'écart des travaux ;
- la formation effective au risque amiante de tous les personnels ;
- la mise à l'ordre du jour dans les meilleurs délais du dossier amiante dans les instances santé sécurité et conditions de travail des académies et des établissements du supérieur ;
- la révision des normes en matière d'amiante, l'utilisation de nouvelles techniques de mesures de la présence d'amiante et l'abaissement des seuils.
Enfin et parce que tant qu'il sera présent dans les locaux de l'Éducation nationale l'amiante sera toujours un danger, il est grand temps de mettre fin à l'inaction coupable du ministère et de faire preuve enfin de transparence.
SUD éducation demande la mise en place d'un plan national de désamiantage total des établissements scolaires et universitaires. Il faut finir avec le scandale permanent de l'amiante.